AMENDES ADMINISTRATIVES
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Le système d’amendes administratives de la loi du 30 juin 1971 a été présenté par la doctrine comme une sanction pénale de substitution. En matière sociale, l’application de l’amende administrative répondait au souhait de trouver des itinéraires de délestage destinés à résorber l’encombrement des juridictions répressives pour assurer l’application de la loi dans les hypothèses où les poursuites pénales étaient rares et jugées inappropriées par les justiciables.
La loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicable en cas d’infractions à certaines lois sociales énonçait une série d’infractions au droit social qui sont punies d’une amende administrative. Aujourd’hui, le dispositif des amendes administratives est entièrement intégré au code pénal social. On l’a vu : l’amende administrative est la seule sanction susceptible d’être prononcée en présence d’infractions de niveau 1. A cet égard, elle est donc une sanction autonome, l’infraction est « dépénalisée ». Mais en ce qui concerne les infractions des niveaux 2, 3 et 4, l’amende administrative reste une sanction alternative : si l’Auditorat ne décide ni de poursuivre l’action publique, ni d’entamer l’action civile, l’amende administrative reste possible.
Il reste donc utile d’attirer l’attention sur la « saga » judiciaire des amendes administratives – même si aujourd’hui leur régime juridique intègre l’ensemble des enseignements tirés des arrêts de la Cour constitutionnelle. C’est en effet un exemple particulièrement stimulant d’ajustements successifs d’une disposition légale sous l’empire des garanties que notre ordre juridique reçoit, via le contrôle de constitutionnalité, du droit international – et singulièrement de la CEDH
La Cour d'arbitrage a été amenée à répondre à plusieurs questions préjudicielles, au cours des sept arrêts consacrés à la matière. Elle y a pris en compte, de plus en plus, le caractère pénal masqué derrière la répression administrative, avec toutes les conséquences qui s'y attachent.
L'arrêt 72/92 du 18 novembre 1992 valide l'inversion du contentieux (point B.4.3) au motif de l'existence de raisons objectives et justifiées fonde une différence de traitement, d'autant que le contrôle juridictionnel est prévu ex post; ce faisant, il rappelle que l'ensemble des principes généraux attachés aux garanties de la procédure pénale fait partie des droits et des libertés garanties par l'article 10 de la Constitution.
L'arrêt 40/97 du 14 juillet 1997 s'attache au point de savoir si l'absence de cause de justification, de recours aux dispositions régissant le sursis, la suspension du prononcé et l'approbation, ou de circonstances atténuantes, ne constitue pas un traitement discriminatoire en la matière. La réponse est négative sauf, vu l'importance pécuniaire des amendes administratives, que rien ne justifie l'absence de prise en compte des circonstances atténuantes de nature à permettre de prononcer une amende inférieure au minimum légal.
L'arrêt 45/97 met en évidence, en son point B.2, le parallélisme qui doit régir la répression pénale et la répression administrative. La loi du 13 février 1998 va modifier la loi du 30 juin 1971 pour y intégrer les enseignements des arrêts 40 et 45/97.
L'arrêt 76/99 du 30 juin 1999 tire du parallélisme entre répression pénale et répression administrative la conséquence qu'en matière d'amendes administratives, la législation la plus favorable doit être immédiatement applicable.
L'arrêt 132/2001 du 30 octobre 2001 valide le fait que la loi impute à l'employeur le paiement des amendes administratives sauf, par application des principes généraux du droit de la procédure pénale, l'interdiction de sanctionner un employeur qui serait totalement étranger à l'infraction commise. Il y a donc lieu d'interpréter les termes "infraction" comme désignant, dans la loi "l'élément matériel de l'infraction".
L'arrêt 105/2004 du 16 juin 2004, revenant sur les enseignements des arrêts 40 et 45/97 considère que l'absence de toute possibilité d'octroyer le sursis constitue une violation du principe d'égalité. Le parallélisme entre procédure pénale et procédure d'amendes administratives est donc approfondi.
Enfin l'arrêt 148/2004 du 15 septembre 2004 confirme en son point B.4 qu'il appartient au juge, en matière d'amendes administratives tout comme en matière de procédure pénale, de faire application des exigences de l'article 6 de la CEDH relatif à l'exigence du délai raisonnable.
Le résultat de cette évolution est paradoxal. En effet, l’un des motifs déterminants qui avait été retenu en faveur du régime des amendes administratives, c'est à dire le caractère dissuasif et hautement sanctionnateur, sur le plan pécuniaire, de la peine, tout autant que sa plus grande simplicité procédurale, se trouve contourné par l’effet de l’évolution jurisprudentielle et les réaménagements du dispositif que cette évolution a rendu nécessaire.