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SECTION II TECHNIQUES NOUVELLES ET DROITS NOUVEAUX

Peut-­‐on caractériser les conséquences techniques d'un droit ainsi "méthodologiquement" nouveau, destiné à répondre, comme expérimentalement, à des questions inédites ?

François

EWALD développe une réponse convaincante à cette question sur base de l'analyse des législations relatives à la réparation des conséquences dommageables des accidents du travail. La norme juridique nouvelle n'est plus le sollen au sens fort (un discours véritatif des conduites).

Elle est davantage le fruit des enseignements d'un QUETTELET ou d’un DURKHEIM que d’un

MONTESQUIEU ou de

CONSTANT.

Un peu comme si le législateur, acculé, décidait de « légiférer (i) sans légiférer (ii) tout en légiférant (iii) ». Légiférer (i) tout d’abord : il s’agit bien de produire des lois, au sens formel du terme. Sans légiférer (ii) ensuite : loin de l’héritage des Lumières cette loi ne s’inscrira pas dans le rêve philosophique du veritas facit legem : pas de prétention, ici, à une Vérité du travail de l’homme.

A sa manière, l’invention du droit social signe le deuil d’une configuration unifiée du lien social ; elle prend acte de la disparité des projets politiques, voire éthiques, qui marquent l’avènement du mouvement démocratique.

La loi ne consacrera rien d’autre qu’un point d’équilibre, fonction du momentum des rapports sociaux et des forces productives ; indexée sur l’état de ces forces et rapports, elle sera toujours à reprendre, à actualiser, à renégocier.

Tout en légiférant (iii), enfin : aussi conjoncturelle soit-­‐elle, cette loi sera bel et bien un instrument normatif, assorti de sanctions : une loi au sens matériel du terme. Cette dernière remarque n’est pas triviale.

Au contraire, elle appelle deux remarques complémentaires qui signent l’originalité de ce qui s’invente là.

-­‐ Premièrement l’invention du droit social, tout comme l’invention du droit de la concurrence quasi contemporain, crée ce que l’on a appelé, bien plus tard, un « droit matériel ».

On entend par là des dispositifs normatifs qui, loin de se satisfaire des proclamations formelles d’égalité devant la loi, prennent acte des disparités réelles des conditions entre parties et donnent les moyens d’une stratégie de protection (la lutte contre le cartel, antonyme de la concurrence, en droit économique ; la protection d’une partie réputée faible à raison de sa subordination juridique, en droit du travail).

-­‐ Deuxièmement, ce « droit matériel » caractérise au plus haut point le passage d’un

Etat de droit, compatible avec l’épure libérale d’un

Etat minimal, abstentionniste dans les rapports sociaux, vers un Etat social ou un

Etat entrepreneur, assumant un projet social de cohésion ou de développement et, par-­‐là, interventionniste.

Nous restons les héritiers de ce geste fondateur, non seulement en termes de « modèle social », mais aussi, plus généralement, parce que l’abstentionnisme nous semblerait inconcevable (un monde sans autorité de concurrence, sans régulation du commerce, sans

O.I.T., sans régulation du travail est domination sauvage) même si, sans surprise, le débat sur les limites et les méthodes de l’interventionnisme est toujours brûlant – et parfois violent. Du point de vue de l’invention du droit social, celle-­‐ci va se mettre en oeuvre selon trois modalités distinctes, qui se juxtaposeront et seront amenées à interagir. -­‐ Il s'agit d'une part, souvent au terme d'enquêtes et grâce au traitement quantitatif des données ainsi collectées, de l'enregistrement d'une norme moyenne de comportement, laquelle se limite à sanctionner les abus.

Ce qui s'esquisse dans cette norme d'un type nouveau, c'est un régime de protection soutenable à l'égard d'une partie réputée faible.

Ainsi, tout le volet de ce que l’on nomme aujourd’hui le droit de la protection/règlementation du travail (conditions de travail, bien-­‐être au travail, protection de la rémunération) s’inscrit-­‐il dans cet héritage qui doit beaucoup aux enseignements de la sociologie quantitative.

-­‐ D'autre part, un autre trait remarquable de ce droit nouveau doit être mis en évidence, même s'il ne prend sa pleine portée que dans la longue durée. Il s’agit de la montée en puissance, par le voeu même du législateur, d'acteurs collectifs.

De la reconnaissance prudente des sociétés de secours mutuel au rôle clef reconnu dès l’entre-­‐deux guerres puis l'après deuxième guerre mondiale aux interlocuteurs sociaux, c'est-­‐ à-­‐dire aux organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs, la volonté est affirmée de doter les instances de concertation et de dialogue social des compétences qui leur permettent de formaliser sous la forme de règles juridiques contraignantes pour autrui (les conventions collectives) les accords qu'ils sont amenés à conclure.

Le

volet de ce que l’on nomme aujourd’hui le droit collectif ou le droit négocié s’inscrit dans cette deuxième filiation qui doit beaucoup aux enseignements de la sociologie qualitative.

Enfin, le droit contractuel fera, lui aussi, l’objet d’aménagements législatifs spécifiques.

Apparaissent ainsi les trois piliers qui constituent l’armature du droit des relations de travail :

• Protection/règlementation du travail

• Droit collectif ou négocié : droit non étatique, autorisée par la loi et fabriquée par les intéressés.

• Droit contractuel

Sans surprise, ce cours d’introduction au droit des relations de travail s’attachera donc à ces trois piliers.

On commencera par le plus désarçonnant : le droit collectif ; suivra ensuite un bref examen de la portée et des techniques du droit de la protection/règlementation du travail ; les aménagements spécifiques du contrat de travail clôtureront le parcours.

L’idée générale n’est pas seulement de juxtaposer, mais aussi de donner à voir les interrelations, les connexions.

On retrouve un droit du travail dans d’autres pays que le

Belgique.

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